Ce texte est une plongée imaginaire dans les pensées et le plan de construction de l’autisme d’une personne autiste, inspirée de mon vécu et de celui de beaucoup d’autres.
Ce n’est pas un témoignage, ce n’est pas un diagnostic, ce n’est pas une vérité universelle. Juste un partage d’émotions, de sensations, de ce que ça pourrait être dans la tête, dans le corps, dans le cœur.
Prenez-le comme une invitation à ressentir, pas à comprendre parfaitement. Merci de le lire avec bienveillance.
1. Le plan de construction
Quand je suis né, tout allait plutôt bien. Mon cerveau avait un plan de construction.
Ce plan, c’est l’autisme. Au départ, il crée des liens entre les neurones, il me fait pleurer pour demander mes besoins primaires. J’apprends doucement à utiliser ma parole, à classer mes pensées, à voir le monde de manière simple. Oh, un biberon… enfin, je peux manger ! Maman est là, tout proche, je suis calme, rien ne m’embête. Je ne comprends pas encore ce que c’est, le bruit. C’est flou. Je ne reconnais pas les couleurs, je les vois mais je ne les classe pas. Je vois que les formes sont différentes, mais je ne les nomme pas.
J’apprends à attraper les choses, à marcher. Je ne sens pas encore bien sous mes pieds, ce n’est pas encore formé. Je ne vois pas le danger.
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2. Le pic de croissance
À mes deux ans, mon cerveau a fait un pic de croissance. Toutes ces hormones, toutes ces nouvelles sensations…
Oups. Selon mon plan autiste, il a créé trop de connexions entre les neurones. Je suis perdu. Ce bruit est devenu si fort. Avant, je reconnaissais, mais maintenant je n’arrive plus à me concentrer. J’arrivais à montrer les formes à maman, mais là je n’y arrive plus. Pourquoi le monde extérieur est-il si fort ?

Mes pieds me brûlent… il y avait autant de choses sous mes pieds ? J’aimerais communiquer, mais je me bats déjà contre cette résistance si forte ! Mon plan de construction a dû planter, mais où ? Comment tout enlever ? Je hurle. J’ai peur. J’ai froid. Tout est si fort.
Tiens… quand je suis dans mon monde, tout s’apaise. Quand je fixe ces tuyaux si réguliers… ces tuyaux sont apaisants. Mon monde extérieur est moins fort. Je crois que je vais rester encore un peu ici. Ce plan n’est pas si mal, il a créé ce monde dans ma tête. C’est beau, c’est calme. Il faut que je le fasse évoluer !
3. Construire un monde
Plus de tuyaux ! Tiens, des joints ? Ça me fait penser aux tuyaux ! Je les veux. Mais je dois sortir, poser un pied dans la réalité. Je les veux ! Je marche. Et je l’ai. Il est à moi.
Je reviens dans mon monde. J’ai eu mon joint. Maman me l’a donné. Je peux demander autre chose pour grandir dans mon monde. Mais ça veut dire subir l’extérieur…
Mon plan de construction autiste continue. Je m’ennuie. Il me faut plus d’infos. Mais je dois apprendre des trucs pas intéressants… Si je les apprends, je pourrai avoir plus facilement de nouveaux tuyaux ? Allez, j’y vais. Je suis fatigué, mais j’y vais.
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4. L’école, le trop-plein
Oh non, un nouveau pic de croissance ? Ah non… c’est l’école.
On me met dans un truc bruyant. C’est qui, ces gens ? Mieux vaut que je reste dans mon monde. Il y a trop. Pourquoi ces trucs me font mal ? Mais c’est quoi qui me fait mal ? Un humain ? Il parle, mais ses mots me blessent. Je ne comprends pas ce que ça veut dire, mais ça fait mal. Il me dit : « sale trisomique ». Je ne sais pas ce que c’est, mais ça fait mal.
C’est trop. Je me défends. Je mords. Oust ! J’ai peur. Je cours. Je me cache. On me cherche. Je veux rentrer.
Enfin, je rentre à la maison. Mais pourquoi ça bourdonne ? Mon cerveau bourdonne. La scène tourne en boucle dans ma tête. Les sensations sont encore là. C’est trop. J’ai mal, mais pas de blessure… Ou si ? Je me frappe, je me mords. Ça va mieux, le bourdonnement part… mais maintenant, j’ai mal pour de vrai. Sur mes cicatrices.
Je suis fatigué, mais mon cerveau fait tant de bruit. Je n’arrive pas à dormir. Tiens… je m’écroule.
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5. L’adolescence, les changements
Je me réveille. Il y a des hormones partout. Mon corps est bizarre. Il n’est pas comme d’habitude. Il est flasque… beurk. Bizarre.
Mes camarades ont changé. Ils n’ont plus la même manière de réagir. Oh non… je dois encore les analyser. Ce ne sont pas les bonnes réponses que je donne. On me met à l’écart.
Je suis très fatigué. J’ai besoin de liens, car mon monde a besoin de grandir. Il est trop petit. J’ai grandi trop vite.
Mais comment on fait, ces liens ? Ils font mal…
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6. Une rencontre inattendue
J’avance. Tiens, étrange, lui il n’est pas comme les autres. Il fait des fautes que les autres ne feraient pas. Mais… bizarre, je comprends ce qu’il dit. Bon, il parle de dinosaures… Attends… c’est son monde ?
Il n’y a pas que des dinosaures. J’écoute. Ça ne me fatigue pas. Étrangement.
Je l’apprécie. Ça ne m’intéresse pas tant, mais j’aime le regarder, l’écouter. Même si j’oublie. Puis il me réplique : C’est quoi, ton monde ? Mon monde ? Il est petit, mais confortable. Il y a des tuyaux…
Oups. Je déverse tout ce que je sais.
Mais… il m’écoute ? Certes, pas très concentré… mais il ne me coupe pas la parole. Il ne me cache rien. Pas de sous-entendu que je suis bizarre. Je l’aime bien, je crois. Je crois que je veux bien sortir un peu plus souvent de mon monde pour lui raconter, et écouter parler du sien.
C’est bizarre. Je n’ai jamais connu quelqu’un qui accepte de parler de son monde. Je pensais que c’était mal, mais non.
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7. Mon monde agrandi
J’apprends encore. Les liens sont bancals, mais là… les autres humains commencent à comprendre mon plan de construction autiste. Un peu bancal, oui… mais il fonctionne.
À terme, je suis devenu plombier. Et j’ai créé plein de choses.
Parce que, dans mon monde… il y avait toujours des tuyaux.
Petit rappel que on est autiste mais pas que !




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